ET S'IL N'EN RESTE QU'UN....
ET S'IL N'EN RESTE QU'UN.....
Depuis hier, la France ne compte plus qu'un "poilu" survivant de la première guerre mondiale. Louis de Cazenave s'est en effet éteint à 110 ans, le "der des der" , pour utiliser une expression qui qualifiait la grande guerre, s'appelle désormais Lazare Ponticelli et a lui aussi 110 ans.
La date d'hier est pour moi doublement symbolique. Tout d'abord parce que Lazare Ponticelli représente le dernier fil reliant la France à une des pages les plus glorieuses, mais aussi une des plus douloureuses, de son histoire. Ensuite parce que cela faisait 22 ans hier que mon grand-père, poilu de la première guerre mondiale lui aussi, nous quittait.
Comme nombre de français de ma génération, j'ai été élevé dans le souvenir de ceux qui étaient partis au front. Ceux qui étaient revenus nous racontaient ce qu'ils avaient vécu tandis que ceux qui n'étaient pas revenus nous étaient racontés par ceux qui les avaient connus.
Mes deux grands pères en fûrent.Le premier partit à 19 ans en 1914, fût trépané sur le champ de bataille après qu'un éclat d'obus lui ait traversé le casque en 1916, reçut la médaille militaire et resta jusqu'à la fin de ses jours en 1952 un "GIG", grand invalide de guerre. Le second s'engagea en 1914, à 15 ans, fût refusé en raison de son age pour finalement être envoyé dans l'Aisne à 17 ans où il combatit à Villers Coterets. Le frère ainé de ma grand mère maternelle partit en 1914, à 20 ans, fût trois fois bléssé avant d'être tué le 3 juin 1918 dans l'Aisne. Enfant je m'endormais sous sa photo en uniforme bleu horizon où il avait écrit sur une feuille pour sa soeur "Amitiés, Rose".
De ces trois ancêtres, le premier a raconté à mes aînés, le second m'a raconté, le troisième n'a jamais pu raconter l'intégralité de sa guerre à quiconque. L'un arrivait d'un village de l'Allier, Lusigny, le second d'un village des Côtes du Nord, on ne parlait pas de Côtes d'Armor à l'époque, Ploeuc sur Lié, le troisième venait d'un village des Hautes-Pyrénées à flanc de montagne, Viey.
Sans chauvinisme familial, ils représentaient à eux trois ces 8.5 millions de jeunes français ayant combattu dans les tranchées, l'un venant de la terre, l'autre de la mer, le troisième de la montagne mais tous unis pour un idéal, la défense de la France et de son territoire. D'autres sont venus de beaucoup plus loin, portés par le même idéal, ils s'appelaient Nguyen, Mamadou ou Mohammed, ils étaient annamites, kabyles, peuls, kanaks, pieds noirs ou caldoches. La France n'a pas été assez reconnaissante envers eux, la particularité du prix du sang étant de ne pas avoir de prix.
De cette guerre, marquée pour longtemps dans l'inconscient collectif, des noms resteront: Verdun, Le Chemin des Dames, l'Argonne, Vimy, Ypres, la Somme. A nous de faire que nos enfants racontent aux leurs ce que fût cet épisode héroique de notre histoire.
Louis de Cazenave, reposez en paix avec vos camarades de combat.Lazare Ponticelli, vous êtes aujourd'hui le dernier à pouvoir témoigner. Et s'il n'en reste qu'un.....
Philippe DAVID
Ernest RENAN
Une patrie se compose des morts qui l'ont fondée aussi bien des vivants qui la continuent