CARTE BLANCHE
CARTE BLANCHE
Il est fabuleux de voir à quel point le même évènement peut faire tirer des conclusions radicalement opposées selon la personne qui le commente. La crise financière de ces dernières semaines a fait ainsi dire à certains que les plans de sauvetage avec de l'argent public marquaient "le grand retour du politique face à l'économique", certains allant jusqu'à dire que le capitalisme financier avait vécu, sa fin étant marquée par cette crise.
Permettez moi de vous dire que ma conclusion des évènements de ces dernières semaines se situe aux antipodes des propos relatés dans le précédent paragraphe. En effet on a , à l'occasion de cette crise, assisté à la prise en otage des états par la finance mondiale afin de faire payer ses délires par les contribuables de l'ensemble des pays ayant dû faire des plans de sauvetage.
Quelle était la marge de manoeuvre des états devant les risques de faillite en série qui auraient ruiné d'un seul coup les déposants, les épargnants, les retraités comptant sur leurs fonds de pension et les entreprises ayant leur argent dans des établissements en faillite? La marge de manoeuvre des états se résumait à une chose: renflouer ou risquer un krach économique et un chaos social en même temps.
Ainsi les deniers publics ont permis de sauver des établissements prestigieux dont la gestion avait été pourtant menée de manière pour le moins légère (achat de titres dont on pouvait facilement déduire qu'ils deviendraient des titres pourris), les managements de ces établissements restant dans leur immense majorité en place et pouvant continuer à profiter sans se gêner des avantages que leur statut leur offre (voir mon article intitulé "le plus grand mépris").
Ainsi, après le plan Paulson à 750 milliards de dollars, les européens ont décidé de montrer leurs biceps en faisant un plan atteignant près de 1700 milliards d'euros regroupant, pour la France, 40 milliards d'euros pour au besoin nationaliser une ou des banques et 320 milliards d'euros pour se porter caution des banques qui prèteraient de l'argent à leurs consoeurs. Pour ceux qui ont un peu de mémoire, on nous disait il y a quelques mois qu'il était impossible de trouver 3 milliards d'euros pour construire un second porte-avions et on nous annonce aujourd'hui qu'on peut sortir du chapeau l'équivalent de 13 porte-avions pour aider les banquiers en difficulté...comprenne qui pourra!
Ces sommes prises dans les poches du contribuable pour renflouer des entreprises privées par des états pris en otages par les conséquences d'une non intervention et les engagements colossaux en tant que caution dont certains n'hésiteront certainement pas à se servir ( à tous les sens du terme) rendent le contribuable que je suis particulièrement inquiet des dérives auxquelles on risque d'assister. Si notre argent doit servir à cautionner des séminaires à la AIG, des repas à la Fortis ou des conditions de travail comme celles de l'éphémère PDG de Washington Mutual, nous avons du souci à nous faire.
La finance mondiale a compris aujourd'hui qu'elle pouvait faire n'importe quoi, n'importe où, n'importe quand et dans n'importe quelles conditions, les états et leurs contribuables seront toujours là pour combler les trous.
En bon français on peut appeler ça "avoir carte blanche".
Philippe DAVID